Nouveaux
horizons :
élargir la couverture de la Liste rouge
Les tortues marines et les tortues d’eau douce d’Asie
du Sud-Est sont chassées et capturées à un rythme non durable. En Australie et
en Amérique centrale, les amphibiens ont
commencé à disparaître sans aucune raison apparente. Les effectifs des poissons d’eau douce diminuent à tel
point que certains observateurs craignent une crise mondiale, en particulier pour les espèces fluviales.
L’état de la plupart des invertébrés
est un mystère même s’il y a près de 2000 espèces dans la dernière Liste rouge.
Certains reptiles et amphibiens ont été inclus dans
les premiers Livres rouges mais les poissons et les invertébrés ont longtemps
été ignorés. Les lacunes sont énormes
et, dans une large mesure, définissent les domaines d’expansion des futures
évaluations pour la Liste rouge.
L’alligator de Chine survivra-t-il
?
James Perran Ross
L’alligator de Chine
Alligator sinensis est le
crocodilien le plus menacé du monde. En 1999, des études ont
montré que l’espèce survit à peine dans une minuscule
partie de son habitat, en Chine centrale. Seule une
intervention active l’empêchera de disparaître.
L’alligator de Chine (Tu
Long ou « dragon bourbeux »),
est un petit cousin (1 à 2,5 mètres) de l’alligator américain. Il est discret et inoffensif, peut survivre
dans de petits plans d’eau où il se nourrit
d’escargots, de crustacés et de petits
poissons. On le trouvait à l’origine dans
toute la vallée du bas Yangtze, mais la perturbation de l’habitat par l’agriculture, et les persécutions,
ont
progressivement réduit son aire de répartition au sud de la province d’Anhui près de Xuanzhou.
La Chine prend d’importantes mesures pour garantir la
survie de son alligator endémique dans la nature. Elle a inscrit l’espèce en tant qu’animal protégé de classe 1 en
1972 et, en 1980, fait de l’habitat restant (433km2) une réserve comptant à
l’époque une population sauvage
d’environ 500 alligators. Un établissement
d’élevage en captivité a été construit dans la réserve et 212 alligators
ont été capturés dans l’habitat sauvage
perturbé.
À ce jour, l’élevage a réussi à
produire plus de 5000 animaux et de nouveaux établissements ont été construits. Cependant, il n’y a pas
de rémission pour les alligators sauvages qui ne survivent que dans 13 sites d’une superficie totale de 41
hectares et l’étude de 1999 a montré que la population était réduite à 150 alligators. Le déclin est dû à l’expansion
démographique humaine, à l’activité agricole
et à la persécution : les alligators
mangent parfois des canards et leurs terriers
sont une nuisance pour les fossés
d’irrigation et les rizières.
L’adoption de la résolution
chinoise sur l’alligator, au 2e Congrès mondial de
la
nature, a permis de trouver un appui mondial
aux efforts déployés par la Chine pour empêcher l’extinction de cette espèce à l’état sauvage. Les efforts de conservation pourraient porter sur
l’amélioration des incitations à
préserver la population sauvage restante et la réintroduction de nouvelles
populations d’alligators élevés en captivité dans des aires protégées
adéquates.
Un récent atelier d’experts chinois a été suivi par la rédaction d’un plan d’action qui vise à renverser
la tendance vieille de 7000 ans à la perte d’habitat et au déclin des populations d’alligators. La
stratégie a été accueillie avec satisfaction
lors d’une réunion ultérieure du
Groupe CSE/UICN de spécialistes des crocodiliens à Guangzhou.
Nous espérons que ces efforts empêcheront l’espèce de devenir le premier crocodilien à disparaître
dans les temps modernes.
James Perran Ross est Responsable exécutif du
Groupe CSE/UICN de spécialistes des crocodiliens.
Consultez http://www.iucn.org/themes/ssc/news/
Chi neseal ligator.html
Pour trouver des liens vers les publications du
Groupe, consultez http://www.flmnh.ufl.edu/
natsci/herpetology/crocs/crocsd. htm
Comme d’autres iguanes des Antilles, l’iguane
terrestre des Petites Caïmans Cyclura nubila
caymanensis, En danger critique
d’extinction, est victime de la prédation par les chiens, les chats, les
cochons et les rats envahissants.
Iguanes des Antilles
Allison C. Alberts
Les iguanes des Antilles forment un groupe unique d’espèces
qui occupent les forêts tropicales sèches des Bahamas,
ainsi que des Grandes et Petites Antilles. Ils sont
parmi les lézards les plus menacés du monde. Leur habitat insulaire fragile
a été, en grande partie, éliminé par
le développement humain ou gravement dégradé par des espèces envahissantes introduites
par l’homme. Les chats, les chiens, les cochons et les rats s’attaquent
aux iguanes et à leurs œufs, tandis que les chèvres, les moutons, les vaches et le bétail en général, contribuent à la détérioration des
communautés de plantes uniques dont
dépendent les iguanes et d’autres
espèces indigènes.
Les iguanes des Antilles sont
presque exclusivement herbivores et consomment une
grande variété d’espèces de plantes.
Parce qu’ils jouent un rôle important dans
la régénération des communautés indigènes de plantes,
en favorisant la germination des graines, en
apportant des matières nutritives pour le développement des plantules et en
dispersant les graines dans de
nouveaux micro-habitats, leur disparition a de lourdes conséquences.
Sur les 17 espèces et sous-espèces
d’iguanes des Antilles, 13 sont déclarées En danger dans la
Liste rouge de l’UICN et six d’entre elles sont En danger critique d’extinction. Toutes sont actuellement
protégées par leur inscription à l’Annexe I
de la CITES.
Les efforts de conservation
actuels portent sur la lutte contre les espèces envahissantes, l’éducation et
la protection de l’habitat. Des études de terrain, qui vont de recensements de
populations à des enquêtes écologiques et systématiques,
rassemblent les données scientifiques nécessaires pour
commencer à élaborer des plans de
conservation pour de nombreux taxons. Des programmes d’élevage en
captivité tels que ceux de la Jamaïque et de
Grand Caïman démontrent déjà des avantages pour la viabilité de la
population grâce à la réintroduction
réussie de juvéniles dans la nature.
Allison C. Alberts est Coprésidente du Groupe
CSE/UICN de spécialistes des iguanes.
Consultez http://www.scz.org/iguana/
Le Plan d’action pour la
conservation des iguanes des
Antilles peut être obtenu à
l’UICN. Voir page 32.
Espoir pour les iguanes
Le Groupe CSE/UICN de spécialistes des iguanes
participe à la conservation à long terme et à la restauration de l’iguane
terrestre de la Jamaïque et de l’iguane terrestre de l’île Anegada En danger
critique d’extinction, dans le cadre d’un programme d’élevage en captivité et
de réintroduction des juvéniles dans leur habitat d’origine. Les deux espèces
ont enregistré un déclin abrupt depuis un siècle et les populations sauvages ne compteraient actuellement pas plus de 100 à 200 spécimens. La principale menace est
la prédation de juvéniles par les mammifères introduits.
L’élevage de juvéniles dans un milieu protégé jusqu’à
ce qu’ils atteignent une taille corporelle suffisante pour être moins vulnérables peut résoudre le problème. Depuis 1997, 39
juvéniles d’iguanes terrestres de la Jamaïque ont ainsi été réintroduits avec
succès dans la nature. On estime que le premier iguane terrestre de l’île
Anegada Cyclura pinguis (à gauche) sera prêt à être relâché au début de 2002.
Portrait d’une
crise : l’évaluation mondiale des amphibiens
Janice Long
On n’a encore évalué qu’un cinquième des populations
d’amphibiens du monde dans l’optique de la Liste rouge. Or, le déclin mondial,
rapide et inexplicable des amphibiens ne fait aucun doute. La célèbre
grenouille dorée du Costa Rica n’a pas été observée depuis 1989 et pourrait
bien être Éteinte.
L’Évaluation mondiale des
amphibiens (EMA) a été lancée en 2000 dans le but de renforcer considérablement
notre connaissance des amphibiens. Pour la première fois, tous les amphibiens
vont être évalués selon les Critères UICN pour les listes rouges et, une fois
que cette information sera rassemblée, nous pourrons identifier les « points
noirs » du déclin mondial des amphibiens et en quantifier l’ampleur.
Les résultats de l’évaluation seront mis gratuitement
à disposition sur l’Internet au moyen de la Liste rouge de l’UICN (www. redlist. org) et de Amphibia-Web (www.
amphibiaweb. org). Une base de données conçue pour rassembler
l’information a été préparée et la
cueillette de données est en cours à l’échelle régionale. Des
coordonnateurs régionaux, responsables de la cueillette des données ont été
nommés pour toutes les régions de l’Ancien Monde.
Les données de cette étape
initiale sont examinées par un grand nombre de spécialistes et d’experts et
seront finalement intégrées au Service d’information sur les espèces (SIS)
(voir page 30).
L’EMA est un processus permanent
de surveillance mondiale, à long terme, des
amphibiens. L’objectif est d’arriver au bout de la première étape avant
la fin de 2002. La collaboration de
NatureServe et d’Amphibia-Web pour réaliser les évaluations dans les
Amériques – où l’on trouve plus de la moitié
des espèces décrites d’amphibiens – est particulièrement vitale pour que
nous puissions respecter cette échéance.
Les collectionneurs recherchent particulièrement
les grenouilles colorées comme cette rainette à tapirer Dendrobates tinctorius de Guyane.
Un
nouveau Groupe mondial CSE/UICN de spécialistes des amphibiens (GMSA) vient d’être créé et ses membres participeront à l’action de conservation
des amphibiens tout en contribuant à
la mise à jour permanente des informations de l’EMA. Si tout se passe comme prévu, le processus de cueillette et de
révision des données pour l’EMA
incitera les herpétologues du monde entier à se joindre au GMSA.
Janice Long est Responsable de l’évaluation de la
biodiversité au Center for Applied Biodiversity Science
(CABS) de Conservation International.
Consultez http://www.biodiversityscience.org/xp/CABS/
researc h/g lobal_i n it iatives/b iod ivassess m ent.xm l
L’avenir du superbe Chlorolestes apricans est
sombre parce que son habitat est convoité pour l’agriculture.
Le
cafard aptère géant Aptera fusca est relativement en sécurité sur la
Table Mountain du Cap, région où il n’y a pas d’activités humaines importantes.
Ecchlorolestes peringueyi ne survit que
dans les régions sans potentiel économique.
Une question de chance
Pour ce qui est de leur survie, on
peut dire que ces espèces endémiques à l’aire de répartition étroite peuvent
être classées en deux catégories : celles qui auront de
la chance et celles qui n’en auront pas, selon l’importance d’un endémisme
étroit pour la conservation. Lorsqu’une espèce est présente dans une
région où il n’y a pas d’incidences anthropiques graves,
comme c’est le cas du le cafard aptère géant Aptera
fusca, sur la Table Mountain, au Cap, elle est
relativement en sécurité, notamment parce qu’elle est déjà adaptée à la vie
dans un territoire réduit. D’autres invertébrés à l’endémisme
étroit n’ont pas cette chance parce qu’ils vivent
exactement là où le développement agricole et urbain
progresse. C’est le cas du superbe
Chlorolestes apricans dont
l’avenir est sombre parce que son territoire a un grand
intérêt pour l’agriculture. D’autres encore ont été déplacés
par des menaces fortuites telles que la présence de plantes
exotiques envahissantes et la surexploitation de l’eau
pour l’agriculture.
Bien que
les invertébrés soient des espèces reliques du Gondwana et qu’ils aient survécu
à des millénaires de changements climatiques, ils sont aujourd’hui menacés par
l’assaut soudain et massif de l’homme. Certaines de ces
curiosités de la nature, telles que Ecchlorolestes
peringueyi ne survivent aujourd’hui que dans des territoires
sans potentiel pour le développement.
Il faut de
toute urgence rassembler des informations sur ces espèces
menacées à l’échelle du globe. L’Afrique australe est une région
où la conscience écologique est élevée. Elle est dotée de bonnes
infrastructures pour la conservation mais seuls en ont
profité, jusqu’ici, les grands vertébrés charismatiques
et, plus récemment, les plantes. Les invertébrés sont,
eux aussi, charismatiques et c’est leur tour de
recevoir de l’attention et de faire l’objet de mesures de
conservation.
Michael J. Samways préside le Groupe CSE/UICN de
spécialistes des invertébrés d’Afrique australe.
Extinction
des mollusques : finie l’allure de l’escargot
Mary Seddon
Dans la Liste rouge de l’UICN 2000, les mollusques arrivent une fois encore en tête des groupes
d’animaux qui enregistrent le plus grand nombre d’extinctions.
Pour ces
petites créatures, le risque d’extinction est très élevé car elles font
face à de multiples menaces, se trouvent souvent dans des aires géographiques
très limitées et se déplacent très peu
durant leur vie. Ainsi, lorsque leur habitat change ou qu’un «
envahisseur exotique » importun arrive, les mollusques n’ont pas la possibilité de fuir vers une autre région plus
abritée.
Les
menaces qui pèsent sur les mollusques tendent à varier selon l’habitat.
Pour les espèces d’eau douce, la plus grave menace vient de l’invasion
d’espèces non indigènes dans les rivières et les lacs, par exemple la moule
zébrée eura‑
sienne Dreissena
polymorpha dans l’est des États-Unis.
Ces espèces ne se contentent pas
de réduire le nombre d’espèces de bivalves indigènes mais, en polluant chaque centimètre
carré disponible, elles ont aussi un impact économique considérable sur
l’industrie qui perd, selon les estimations, USD 4 milliards chaque année. L’autre grave menace est la destruction de
l’habitat par la construction de barrages, la rectification du lit des rivières et le drainage des zones
humides qui cause des extinctions locales.
Le Groupe CSE/UICN de
spécialistes des mollusques a prévu de décrire l’état de tous les mollusques
d’eau douce (de l’ordre de 5000 espèces) d’ici 2004. Nous estimons que le
pourcentage d’espèces menacées pourrait dépasser 25 % du total de la faune; dans certaines régions déjà évaluées, 60 %
sont déclarées menacées ou Éteintes.
Les espèces terrestres sont parmi les plus
gravement menacées car il existe de nombreuses espèces endémiques locales
isolées sur des îles ou des montagnes, qui ont une aire de répartition locale
réduite (moins de 20km2).
La plus grave menace est la destruction de l’habitat par le déboisement
et le drainage des
La plupart des espèces d’escargots arboricoles du genre Partula sont
menacées par la propagation du prédateur introduit Euglandina rosea. Les
dernières populations se trouvant à Moorea vont bientôt être placées dans une
réserve naturelle protégée par une clôture électrique.